(GUERRE DE 1870, SIÈGE DE PARIS). CORRESPONDANCE D'UN PARISIEN.
Très bel ensemble de 45 lettres manuscrites, la plupart de 4 pages au format in-8, envoyées de Paris entre le 6 septembre 1870 et le 28 janvier 1871, jour de la capitulation. Elles furent écrites pour la plupart par Henri Granier, jeune clerc de notaire à Paris, à ses parents qui avaient quitté la capitale pour la Normandie.
Le dossier comprend:
A. Neuf lettres de Henri et 2 lettres de son oncle Victor Granier, accompagnées de leurs enveloppes timbrées, écrites du 6 au 21 septembre. B. 14 lettres écrites par Henri du 23 septembre au 15 novembre, qui furent expédiées par ballon monté, dont 11 portent la mention, manuscrite ou imprimée "PAR BALLON MONTÉ". C. 3 lettres des parents à Henri, expédiées de Granville, qui ne furent probablement distribuées qu'après la fin du siège. D. Quatorze "Lettre-Journal de Paris. Gazette des absents", avec mention imprimée "par ballon monté" et correspondance manuscrite de Henri, du n°8 daté 16 novembre au n° 24 daté 7 janvier 1871 (sauf les numéros 11, 21 et 23). E. 5 cartes manuscrites de Henri expédiées entre le 30 septembre et le 17 novembre.
Toutes les lettres sont affranchies avec les timbres 20c bleu Empire et Cérès "siège de Paris", les cartes avec le 10c Empire bistre.
Après la reddition de Napoléon III le 2 septembre 1870 suite à la défaite de Sedan, et sous la pression des Parisiens en colère, Léon Gambetta annonce la déchéance de l'empereur et proclame la République le 4 septembre. Le nouveau gouvernement ayant refusé la défaite, Paris est encerclé par les troupes allemandes dès le 17 septembre et le siège de Paris débute le 19. Notre correspondance débute le 6 septembre et couvre donc la totalité du siège jusqu'à la capitulation de Paris le 28 janvier 1871. On assiste jour après jour à la dégradation progressive des conditions de vie. En septembre, Henri est optimiste et ne semble pas douter de la victoire française: "les restaurants sont ouverts et n'augmentent même pas leurs prix...". Le 30 septembre: "Nous avons 400000 gardes nationaux bien armés et bien disciplinés. Il y a des vivres en abondance ..." Quand l'oncle Victor, qui est sergent de la Garde Nationale, donne de l'argent à Henri, celui-ci s'achète un fusil Chassepot, s'engage comme volontaire dans la Garde Nationale et fait des exercices. Il veille sur l'appartement de ses parents où il loge des "Mobiles", mais s'inquiète un peu pour leur cave... En décembre le ton a bien changé: "notre 9ème arrondissement jouit de la plus détestable organisation - il n'est pas toujours sûr d'avoir les 150g de viande fraîche". Puis: "insuccès de nos armées sur la Loire et du côté de Rouen". L'hiver est très rude: des cadres de fenêtres ou des portes font office de bois de chauffage, les pigeons voyageurs ne volent plus à cause du froid glacial. "La viande de boucherie nous est donnée à doses homéopathiques... nous nous attaquons à tout ce qui vit et respire… âne, mulets, rats, chiens chats"; Un poulet coûte 35 F. Le 7 janvier: "Suis monté au Trocadéro voir le bombardement". Le 23: "nous venons de passer une semaine cruelle". Le 28 janvier Henri annonce à ses parents que la capitulation de Paris est un fait accompli et qu'il ne faut surtout pas revenir: les environs sont occupés par les Prussiens, la ville est prisonnière sous leurs canons, la population souffre de misère et de faim.
Un témoignage émouvant d'une grande sincérité et candeur, document écrit au jour le jour, dans un excellent état de conservation. Dossier également d'intérêt philatélique, la plupart des lettres ayant voyagé par ballon, avec une série de 14 "Gazette des absents", lettre-journal de 4p. imprimée par Jouaust sur papier fin comprenant 2 pages imprimées et deux réservées à la correspondance, destinée à être expédiée par ballon aux parisiens exilés. Au total 67 ballons s'envolèrent de Paris entre le 23 septembre 1870 et le 28 janvier 1871. Ces aéronefs fabriqués en série marquent le début de l'industrie aéronautique et la naissance de la Poste aérienne. Le courrier écrit sur papier très mince ne doit pas dépasser 4g. Ces vols sont bien répertoriés et les cachets de départ et d'arrivée de la poste sur les lettres permettent de connaître le nom des ballons qui les ont transportés. ON JOINT: une enveloppe contenant quelques pièces complémentaires: une lettre de Victor à son frère datée du 9 mars (1871) donnant des nouvelles de la capitale, alors que Henri semble l'avoir quittée; une enveloppe timbrée affranchie de deux timbres Siège; diverses pièces des années 1890, et 2 photocopies de la lettre-gazette n°9.

Estimation : 3 000 € à 5 000 €