








Attribué au Maître de la Madone du Palais de Venise (Sienne vers 1350)
Christ de piété,
Peinture à l'œuf et fond d'or sur panneau, peint au revers
Sans cadre
H.23,8cm ; L. 15,4cm Epaisseur : 0,8cm
Expert : cabinet Turquin
ETAT
Présence de galeries d'insectes xylophages. Le panneau a conservé en partie la moulure d'origine de son cadre doré et poinçonné dont il reste quelques traces visibles. Les endroits où cette ornementation a disparu, laissent voir la préparation au gesso et la toile sous-jacente, éléments typiques de la préparation picturale des panneaux du Trecento. Sur l'épaisseur des bords verticaux qui ont été en partie limés, apparaissent des traces de trous qui ne semblent pas correspondre à d'anciennes traces de crochets en général beaucoup plus importantes.
Il faut sans doute considérer ce panneau comme unique. Le pourtour du fond d'or est souligné d'une galerie ornementale de motifs poinçonnés formée d'une série continue de petites arcades trilobées ponctuées à la base de trois points disposés en triangle. La tête du Christ est ceinte d'un nimbe crucifère dont le dessin est également défini par un jeu de poinçons constitué d'une rosette quadrilobée frappée en son centre d'une pentarosette alternant avec un quatre-feuilles sommé de quatre points. Cette ornementation d'origine qui fait appel à un répertoire de motifs d'une rare finesse et élégance, est spécifique des habitudes de travail des ateliers de peintres siennois au début du XIVe siècle dont ceux des frères Lorenzetti et de Simone Martini furent les plus en vue. Le revers du panneau est protégé par un enduit de plâtre peint à l'imitation d'un faux marbre de couleurs brun, rouge et noir, usé et en partie lacunaire, particulièrement en son centre. Le temps a laissé des traces sur la surface picturale, notamment à la commissure des lèvres du Christ et au centre de la poitrine où l'on remarque des incisions de forme géométriques certainement anciennes. Les nombreuses taches imprimées sur le buste se veulent le témoignage de de la Flagellation. Il est difficile de savoir si ces traces sont toutes d'origine ou furent ajoutées plus tardivement, constituant ainsi des surpeints anciens. Il en va de même de la ligne des bras et du dessin des mains. Ces retouches occultent en partie le tracé du tombeau et le modelé du corps du Christ.
ICONOGRAPHIE
Sur le fond d'or se détache l'image de ce Christ, présenté à mi-corps émergeant du tombeau, les bras croisés, le buste lacéré des marques de la flagellation. Sur la tête penchée vers la gauche, couronnée d'épines et auréolée, s'étale une large chevelure mi-longue, brune, couvrant les épaules. Le visage barbu, émacié, la bouche entr'ouverte, les yeux mi-clos, porte les stigmates d'une profonde douleur. Le modèle iconographique de ce type de présentation apparaît, le plus souvent au centre de la prédelle des retables dressés sur l'autel considéré comme le tombeau du Christ. Simone Martini, entre autres, en donne un exemple en 1319 dans le retable de Pise (Pise, Museo di San Matteo). Cette image apparaît également associée à celle de la Vierge et l'Enfant dans
les petits diptyques portables et fermants destinés à la dévotion particulière, tel celui attribué à Simone Martini, (Florence Museo Horne, n°58). Dans le cas de notre panneau, la présence de traces de flagellation permet de penser à une autre destination, celle d'un panneau unique dit «Baiser de Paix», objet liturgique utilisé pendant
les cérémonies de l'Eucharistie dans un but de réconciliation. Un exemple nous est fourni par le panneau de Taddeo di Bartolo . Ce type d'objet était réalisé en métal ou en bois et muni au revers d'une prise afin que l'officiant puisse le maintenir pour le présenter au fidèle. C'est une telle destination qu'il faut vraisemblablement envisager pour notre panneau dont la lacune visible au revers pourrait être le témoin d'une prise disparue.
STYLE
Malgré les injures du temps subies par ce panneau, l'extrême qualité de cette œuvre demeure tangible dans la description du visage. L'état de douleur pénétrante exprimée par l'attitude penchée de la tête, les yeux mi-clos, la bouche exhalant un faible souffle, et la petite ride crispant le front, témoignent d'une acuité stylistique de haut niveau. Le modelé du visage émacié de couleur cadavérique, s'étire le long de la fine courbure nasale soulignée d'un rai lumineux.
L'exécution de ce panneau, inédit, est à replacer dans le courant «simonesque» des années 1340-1350 défini par Weigelt en 1931 . A la suite des œuvres magistrales de Simone Martini se développe un mouvement pictural initié par le grand maître et son atelier, ce dernier comprenant depuis les années 1320 jusqu'en 1344-1347, son frère Donato, et à l'occasion, ses deux beaux frères : Lippo et Tederigo (ou Fedrico) Memmi. Autour de ce foyer familial, s'est agrégé une cohorte d'artistes, aux noms de convention, tentant de se familiariser avec les habitudes stylistiques et ornementales du maître
Estimation : 20 000 € à 30 000 €
Adjugé : 90 000 €