













1890-1910 - PIERRE LOTI (JULIEN VIAUD) - ENSEMBLE DE 22 LETTRES ET BILLETS AUTOGRAPHES SIGNÉS
Ensemble de 22 documents manuscrits de formats divers (lettres, billets, cartes de visite), certains datés 1903. La plupart portent la signature "P. Loti" ou, plus rarement, son nom civil "J. Viaud". Quelques enveloppes conservées. État d'ensemble très bon, plis d'envoi, écriture parfaitement lisible.
Contenu :
Cette correspondance mêle billets amicaux, remerciements, intercessions et reproches, révélant la personnalité à la fois chaleureuse et exigeante de Pierre Loti. Deux lettres datées de 1903 montrent Loti en pleine activité navale et administrative : en janvier, il sollicite auprès du lieutenant de vaisseau Maurice de Lacoste, des nouvelles de l'inscription du docteur Giraud à la Légion d'honneur, et en juillet il le presse de lui fixer les dates d'arrivée du croiseur "Vautour" à Constantinople. Il intercède encore auprès du commandant du "Duc de Bragance" en faveur d'un second, demandant pour lui un avancement afin de soutenir sa famille, lettre touchante qui illustre la fidélité de Loti envers ses camarades de mer. À d'autres correspondants, et surtout à un destinataire non mentionné, qui est probablement Henry Mériot (poète et relieur), il exprime son attachement pour le travail de reliure, mais aussi ses fréquentes déconvenues. Plusieurs lettres détaillent ses colères contre les retards, lorsqu'il confie à celui-ci des volumes destinés à des personnages de tout premier plan : la Reine régente d'Espagne ou un prince étranger. "Voici deux mois que vous avez en main le livre... je le ferai terminer ailleurs... ce sera la fin dernière de mes relations avec vous comme relieur", écrit-il avec sévérité, tout en réaffirmant son estime pour "le poète et l'homme de cœur" qu'il admire. D'autres billets, plus apaisés, le remercient d'une "jolie reliure des Japoneries" ou l'assurent de son amitié malgré "vos continuelles fausses promesses". Quelques lettres complètent ce tableau : une critique d'article sur l'Orient ("Parler du pal, c'est retarder d'au moins quatre siècles") où il se révèle en défenseur passionné de l'empire ottoman, des remerciements pour des vers envoyés, ou encore une invitation à rencontrer Judith Gautier.
Contexte historique :
Julien Viaud, dit Pierre Loti (1850-1923), officier de marine et écrivain, fut élu à l'Académie française en 1891. Ses multiples affectations nourrissent une œuvre marquée par l'exotisme et l'orientalisme. La correspondance ici rassemblée éclaire à la fois sa carrière navale, ses réseaux littéraires et ses exigences d'esthète. En 1903, capitaine de frégate et académicien, Pierre Loti rejoint Constantinople à la fin de l'été où il prend le commandement du "Vautour", croiseur stationnaire de l'ambassade de France (sur lequel il aura Claude Farrère comme enseigne de vaisseau) ; les lettres ici réunies en donnent le contrepoint privé en amont, au plus près de son réseau d'officiers et de ses démarches. Judith Gautier (1845-1917), écrivaine et fille de Théophile Gautier, apparaît également (brièvement) dans cet ensemble : Loti a écrit avec elle un drame chinois "La Fille du Ciel" où Sarah Bernhardt aurait dû jouer le rôle-titre... Quant à Henry Mériot (1856-1938), relieur et poète rochefortais, il appartient au tout premier cercle de Pierre Loti.
Intérêt des documents :
Cet ensemble illustre de manière rare et vivante les multiples facettes de Pierre Loti : l'officier attentif à ses camarades, l'académicien soucieux de ses appuis littéraires, l'ami fidèle mais colérique face aux lenteurs, le dandy exigeant en matière de reliure et de présentation de ses ouvrages. L'évocation de commandes destinées à la Reine régente d'Espagne et à d'autres figures de premier plan confère un intérêt historique et bibliophilique particulier à ce lot. La diversité des destinataires, la franchise du ton et la variété des sujets abordés en font un témoignage précieux sur la personnalité complexe et attachante de l'écrivain.